Publié le 28 août 2011
Diane Tell
Un peu de son histoire
photo : Benoit Charlot
Dans les années 60, la famille de Diane Tell déboule à Val d’Or en Abitibi-Témiscamingue. Michel Fortin, diplôme en poche, compte s’y installer en tant que chirurgien. Ce sera toute sa vie. Cosmopolite région d’en haut accrochée à l’étoile du nord, ses bases sont posées sur un immense plateau incrusté d’or et percé de milliers de lacs gavés de poissons. D.T. « Les façades du centre ville de Val d’Or (fondée en 1935) avaient de faux airs de Far West. La population était composée de québécois d’origine française, de canadiens anglo-saxons, des premières nations, d’invisibles soldats américains dont les avions transperçait le ciel, de ressortissants européens de toutes nationalités. Mon professeur de violon était portugais, le directeur du conservatoire belge et mon premier amour d’origine polonaise… A la maison papa chantait Strangers in the night en s’accompagnant au piano, écoutait Brel en pleurant, Félix Leclerc religieusement et recevait Pauline Julien de passage à souper. Maman aimait la musique classique et l’opéra. Mes grands frères m’initiaient au rock anglo-américain. A 12 ans j’ai écris et composé mes premières chansons. A 13 ans, je les chantais sur la scène de l’école avec mon groupe ! »
L’adolescente devenue montréalaise fréquente les musiciens de jazz et leurs niches, chante dans les hootenanies et les bars de l’ouest de la ville. Elle poursuit ses études de guitare classique au conservatoire de Montréal et de guitare jazz au C.E.G.E.P. St-Laurent. A 14 ans, grâce à une amie de classe, l’auteur compositeur enregistre une série de 12 chansons de son cru dans les studios d’RCA Victor. De cette matière sera tiré le premier album de Diane devenue Tell. En 4 ans, 3 albums et 2 futurs standards, elle devient l’artiste no° 1 dans son pays. Un 4ème album Chimères (1982) ne manquera pas de confirmer ce qui déjà n’était plus un essai.
Dès 1981 Diane Tell touche le cœur des Français avec Si j’étais un homme. « Je suis venue à Paris en 1983 pour une année sabbatique et suis restée 4 ans dans la capitale. » Les albums, les passages à l’Olympia et les collaborations se succèdent. Diane compose avec les textes d’auteurs choisis : Françoise Hardy, Boris Bergman, Maryse Wolinski, Marilyn Desbioles… Elle quitte Paris en 88 mais pas la France. A peine installée au Pays Basque, Luc Plamondon et Michel Berger la contactent pour un projet de comédie musicale ambitieux : La légende de Jimmy. « Michel Berger, sa musique, la qualité de son univers, celle de l’équipe engagée dans l’aventure (Luc Plamondon, Tom Novembre, Nanette Workman, Jérôme Savary, Guy Pellaert…), j’avais très envie d’en être et j’ai adoré l’expérience. » Au point de récidiver avec Marilyn Montreuil au Théâtre National de Chaillot. Un spectacle écrit et mis en scène par Savary qui lui confie le rôle principal et celui de compositeur de la musique. Deux grands spectacles, plus de 300 représentations et 3 ans de navette entre sa base privée de Biarritz et la scène des lieux publics.
Je m’voyais déjà 2008-09, La légende de Jimmy 1990-91, Marilyn Montreuil 1991-92
Diane redevient l’auteur compositeur de ses débuts pour les albums Désir Plaisir Soupir (1996) et Popeline (2005). On comprend à les écouter que l’expérience acquise par l’artiste ne lui a rien fait perdre de sa fraicheur du temps des Gilberto, Si j’étais un homme, Souvent Longtemps Enormément, Savoir, Faire à nouveau connaissance, La légende de Jimmy. Au contraire. La mélodiste se surpasse, le compositeur ne se copie pas, l’auteur et l’interprète ont mûri. Diane Tell arrange, réalise et produit Popeline, offrant ainsi au public son album le plus personnel.
Elle donne des concerts en solo, en duo avec Robbie McIntosh ou avec des musiciens dirigés au Canada par Louis-Jean Cormier et Laurent de Wild en France… Elle fait de la radio. Un rêve réalisé. Celui de créer un programme pour France Inter ! Ce sera Les Louves (2006), une série de 45 émissions sur 44 femmes d’exceptions dont : Fanny Ardant, Blanca Li, Madame Courrèges, Sarah Moon, Florence Arthaud, Assia Djébar, Agnès Varda… En 2008, elle joue et chante dans la comédie musicale Je m’ voyais déjà au Gymnase à Paris, un livret de Laurent Ruquier autour des chansons de Charles Aznavour… Elle produit et enregistre un album de jazz : Docteur Boris & Mister Vian (2009), une collection de grands standards de jazz adaptés et surtout déstandardisés par l’unique Boris Vian. « Le résultat? Un régal. – Ecrit Bruno Pfeiffer dans Libération – Vian n’aurait sans doute pas hésité à applaudir “Rue de la flemme”. Quel concentré de swing relâché! Quel modèle de grande chanson (tour de force de la traduction)! Pourquoi citer seulement le savoureux “Voyage au Paradis”. Les onze valent le coup. Le disque passe comme un remède à l’imbécillité de la période actuelle. Editée finalement sur le label Celluloïd, chez la start-up parisienne Believe, la profondeur légère de l’interprétation s’offre comme un cadeau. Les chorus de Laurent, huit ou seize mesures maxi, ne goinfrent pas la mise en place. La complicité de l’ensemble se ressent du respect flagrant que se portent les artistes. »
Popeline, Tout de Diane, Docteur Boris & Mister Vian
A peine s’achève une série de concerts avec le bon Docteur Boris, un nouveau projet se dessine: la réalisation d’un album au Québec. L’idée lui tombe du ciel avant même de savoir à quelle source puiser l’inspiration. Par ces hasards qui n’en sont jamais, cette source, Diane va la découvrir sur les rives de l’Harricana en Abitibi. Invitée à participer aux célébrations du 75ème anniversaire de Val d’Or (août 2010), Diane y fait la rencontre de l’auteur compositeur interprète Serge Fortin à qui fut confié la mission d’imaginer le plus grand spectacle jamais réalisé dans la ville. La fête l’emporte sur le rêve et la soirée emporte tout le monde ! Les deux Fortin chantent ensemble Sur la grande côte, une chanson de Serge. Mais quel maringoin a piqué ces deux-là ? Avant de quitter l’Abitibi, Diane laisse une musique à Serge, il lui écrit J’te laisse un mot. Dans l’intervalle qui suit, s’installe l’appétit d’écrire, la machine à faire des chansons s’emballe. Les mots et les notes ricochent sur la grande flaque. Mélodie et poésie fusionnent au grand large. Entre les pauses vaillantes à Montréal autour de micros, d’amplis, d’instruments, de musiciens et de collaborateurs convaincus et convaincants, ils travaillent ensemble chacun sur leur rive. Moins d’un an après la rencontre, Rideaux Ouverts est achevé. Onze chansons y racontent une seule histoire d’amour mais dans tous ses états. Etat de grâce, état second, état de guerre, état de paix, en drôle d’état… toujours sur le fil tantôt solide souvent fragile, l’amour ne tombe jamais dans le vide, il se métamorphose. D’une plage à l’autre. Les chansons de l’album ont tout en commun sur le papier, à l’écoute elles n’ont rien ou presque de semblables. Homogène mais pas monotone, l’album est un état d’union entre les personnes, les histoires, les états de l’âme, du cœur, des lieux et des liens qui s’en suivent.
Diane, Serge Fortin, Dan Cinelli à Montréal pour les enregistrements de Rideaux Ouverts
Comme Elisabeth d’Autriche, Emile Nelligan, Howard Hughes, Louis Jouvet et Ava Gardner, Diane Fortin est née un 24 décembre. Elle est le troisième enfant d’un père québécois et d’une mère américaine d’origine française. 11 générations et 3 siècles la séparent de ses ancêtres français. « Au début des années 60, papa prit la décision de poursuivre et terminer ses études de chirurgie à Paris et en famille. Nous avons traversé l’atlantique à bord de l’Homéric, un paquebot suisse au pavillon panaméen qui liait la France au Canada à l’époque. Je suis née à Québec, j’ai vécu à Paris ma première rentrée scolaire mais Val d’Or, c’est le domaine de mon enfance, la maison où j’ai grandi, le cercle de mon père, mes origines…. » On ne peut pas dire jusqu’où iront ni pour qui sont faites les chansons de Rideaux Ouverts, mais on sait de qui elles sont et d’où elles viennent.
Août 2011