Publié le 15 avril 2009
La console analogique Neve 1970’s de Goh.
1) Revenons sur la méthode de travail choisie pour cet album. Les pistes dites rythmiques (piano-basse-batterie-guitare) furent enregistrées, non pas sur un support analogique (bandes magnétiques), comme ce fut le cas pour tous mes albums y compris Popeline, mais sur un support digital (disque dur) avec l’excellent programme de Digidesign : Protools. Je travaille sur Protools depuis 2001 (en studio et à la maison) mais pour les albums, toujours en synchro avec un ou deux magnétos multi-pistes à bandes magnétiques. La cabine A du studio Acousti où nous avons enregistré possède, en plus du système Protools, une console analogique EUPHONIX CS 2000 et des « périfériques » (amplis, pré-amplis, compresseurs, limiteurs, etc. et autres effets divers et variés). A l’enregistrement, on utilise en principe (il n’y a pas de règles) le moins d’effets possibles, le but étant de capter le son acoustique (ou électrique en ce qui concerne la guitare) de l’instrument le plus naturel et le plus pur qui soit. Les musiciens ont joué « live » et j’ai eu le plaisir et le devoir d’accompagner, si je puis dire, leur performance avec ma voix. Il était bien évidemment important pour eux d’entendre la mélodie des morceaux mais l’objectif, durant ces premières séances, était d’enregistrer les instruments et non la voix. Cela dit, certaines voix ou passages ont été conservés, en particulier lorsque dans une intro ou une outro, la voix guide rythmiquement l’orchestre. Une fois les rythmiques dans la boîte, j’ai rechanté la plupart des morceaux, secondée par un « publicritique » constitué de Laurent de Wilde co-réalisateur et arrangeur de l’album, l’ingénieur Alain Cluzeau et Ludo deuxième ingénieur.
De haut en bas : compresseurs limiteurs Universal Audio 1776AE (classics reedition) / Teletronix LA 2A classics reedition & LA 2A vintage original 1950’s / Vintage Pultec Equalizer EQP-IA 1950’s- guitare Martin D0018 1950’s
2) Une fois l’enregistrement de la musique et des voix terminé, nous expédions le contenu du disque dur (le support) à l’ingénieur qui se chargera du mixage. Dans le cas présent, à Goh Hotoda au Japon, par Fedex tout simplement… Commence alors la seconde phase de la production : le mixage. Dans un premier temps Goh retravaille le son de chacune des pistes. Les sons d’origines enregistrés à Paris passent par l’une ou l’autre des périfériques analogiques (compresseurs, EQ, limiteurs, effets…), y compris la console Neve. Les sons transformés sont à nouveau enregistrés sur Protools . Cette manière d’utiliser les périfériques est plus fiable et le même périférique peut servir pour plusieurs pistes avec des réglages différents. On ré-enregistre le son modifié sur une nouvelle piste. Une fois achevé le traitement « analogique » de chaque piste, on oublie les périfériques et la chanson fait l’objet d’un pré-mixage sur Protools. Goh a tous les « plug-in » (périférique digital) intéressants et utiles existant sur le marché ou presque… S’il lui manque un effet particulier, il peut le louer en ligne sur le site du distributeur pour 2 jours, 1 semaine, 1 mois… Pour chacune des chansons, l’ingénieur procède ainsi.
Véritable compresseur optique, le LA2A, ici vue de l’intérieur dans sa version rééditée en haut et originale en bas. « Le détecteur opto-électronique ou « cellule T4”, est au cœur du son du LA-2A Teletronix. L’association unique d’un panneau électroluminescent et de photo-résistances à l’intérieur de la cellule T4 permet d’obtenir la signature sonore typique de ces compresseurs. » Plus analogique comme système, tu meurs.
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3) Troisième et dernière étape. Les douze chansons pré-mixées sont remixées dans l’ordre défini pour l’album. La décision de mettre dans tel ou tel ordre les chansons d’un album est généralement prise au mastering, ultime étape avant le pressage d’un album. Ici, cette décision est prise très tôt durant le processus. L’ingénieur peut ainsi créer avec plus de cohérence l’ambiance de l’album et réaliser de bien meilleures transitions entre les chansons. Disons que le « pré-mixage » est celui des pistes d’une chanson entre elles et le mixage final, celui des chansons d’un album les unes par rapport aux autres.
Ceci n’est pas une console audio parce qu’aucun son ne passe par elle. Pas d’EQ, pas de niveaux, pas d’audio tout court… Des faders, des loupiotes, des boutons et pis c’est tout. Cette console Digidesign est un contrôleur ultra sophistiqué créé pour Protools. En principe, on peut tout faire sans elle, avec une souris et un clavier. Elle facilite le « fine tuning » des réglages. Tu me suis ? Pas grave… Ferme les yeux et monte le son ! Il est où le bouton de volume ? That is the question !
Le plus extraordinaire dans cette méthode de travail c’est qu’un fois le travail achevé, rien n’est définitivement « gravé » et tout peut être revu, corrigé, modifié, supprimé, ajouté… du plus petit détail à l’élément le plus fondamental. On ne risque donc pas, une direction prise, de se limiter à une seule option. Tout reste ouvert ce qui facilite le travail du producteur qui ne demande qu’à entendre une ou plusieurs propositions avant de faire son choix.
Old school ou new school ? Les deux mon capitaine ! Comme le disait si justement Isaac Hayes : « There is no such thing as old school. You either went to school or you did n’t. »