Publié le 6 décembre 2011
Palais Moncalm à Québec, octobre 2011 – I Art – D.Tell
Ma réaction à l’article de Martin Untersinger publié sur le site Rue 89
Musique en ligne : Spotify, pari (à moitié) réussi
Ah qu’il est beau le débat ! Le fabuleux destin de l’industrie de la musique ! Les sujets fusent (hier Hadopi aujourd’hui le Streaming) et les commentaires abusent ! Tout ce que l’on a entendu sur Hadopi jadis ! Fini le stockage de fichiers, vive le streaming ! Mais que fait donc Hadopi ?
Parlons un peu de contenu. Car pour streamer il en faut !
Pourquoi investir 50 000 € dans la réalisation d’un album ? (c’est juste un exemple : un coût estimable pour la réalisation d’un album de chansons originales, créé en studio, avec ses photos, sa pochette physique et digitale, mixage et master pro, interprété par des musiciens vivants et tutti quanti – hors promo et publicité) Pourquoi cet investissement puisque les albums ne se vendent plus ? Parce qu’un artiste doit fixer son travail pour espérer le proposer en concert, espérer passer à la radio, espérer toucher quelques droits d’auteur, voisins ou autres, espérer sortir du lot sur internet, espérer trouver son public, espérer vendre quelques exemplaires de son travail fixé à l’issue des concerts, sur I Tune ou à la Fnac… et finalement espérer vivre de sa musique ce qui n’est pas gagné.
C’est tout un ensemble de droits et revenus générés par cette exposition publique qui crée la valeur « financière » de la musique. Spotify est une source de revenus, probablement éphémère parmi beaucoup d’autres en fonction des pays, de la notoriété de l’artiste et des styles musicaux. Une chose est à peu près certaine, le modèle économique de Spotify fonctionne pour Spotify et ses actionnaires! Ce modèle n’a pas été créé pour protéger et nourrir les artistes pas plus que l’industrie de la pêche n’a été inventée pour protéger et nourrir les poissons ! L’art est une richesse exploitable comme une autre et la cupidité humaine n’a pas disparu (ni n’est apparu) dans les mailles d’Internet !
Les royalties c’est bien quand il y en a mais il existe d’autres sources de revenus pour l’artiste/producteur (souvent multifonctions !) Au Canada : SOCAN, SODRAC, ARTISTI, SOPROQ,, en France : SPPF, ADAMI, SACEM, SDRM fourmillent de personnes louables dont la mission est de protéger nos droits et nous les redistribuer ensuite. Ils font respecter les lois acquises, en proposent d’innovantes adaptées aux nouveaux formats. C’est leur job mais là encore, pas de miracle dans les tuyaux, il faut un peu réclamer son du !
Les modèles économiques de l’industrie musicale vous dites ? Ils sont excellents pour l’industrie musicale un point c’est tout. Aujourd’hui : I Tune, hier Sony, (des exemples parmi d’autres), toutes les industries doivent générer du profit, c’est le but. Chaque branche doit porter ses fruits ! Sinon, on scie la branche quand ce n’est pas l’arbre ou la forêt toute entière. L’ancien modèle économique des « majors » que nous connaissions depuis les années 80 était excellent pour les majors dans le contexte de l’époque, pas pour l’artiste. Il ne l’est plus car nous vivons dans un autre monde. D’un côté sont mis en marché tous les jours de nouveaux jeux, consoles, applications, forfaits et autres divertissements payants et de l’autre, on dématérialise le contenu artistique dont la valeur marchande finit par échapper à tout le monde… ou presque.
C’est la dématérialisation des choses qui chamboule tout dans notre domaine. D’autres révolutions techniques ont rayé de la carte habitudes, systèmes, savoir-faire, emplois et richesses… devons-nous les citer ? Mais deux ou trois choses n’ont pas franchement aidé la filière. 1) Le prix de la musique n’a jamais vraiment été fixé ou régulé (comme celui des livres ou des places de cinéma). Les distributeurs de musique pratiquent des politiques de prix complètement absurdes depuis toujours ! Up down up down… Gratuit, budget price, mid price, full price, prix vert, prix rose, prix d’appel, c’est dans tous les contrats de disques… Le public du coup n’a aucune idée de la valeur d’un morceau de musique. On peut le comprendre. 2) Internet est un espace virtuel à la fois distributeur et diffuseur : ici Radio France et la Fnac logent à la même enseigne. Dans l’esprit des gens, la diffusion c’est gratuit, la distribution c’est payant ! Spotify et son streaming est un modèle entre les deux. Un peu comme Canal + : on règle l’abonnement et on se tape la pub ! La vérité c’est que si tout n’a pas de prix fixe, tout à un coût réel. 3) Si Internet innove par l’extraordinaire accessibilité instantanée et à l’infini de tous les contenus possibles jamais fixés, les radios elles continuent d’appauvrir leur playlist en brulant quelques bons titres jusqu’à l’écoeurement, ou au contraire en passant en boucle une chanson qui nous déplait jusqu’à ce qu’on l’AIME ! Berk dans tous les cas…
Les systèmes d’exploitation des richesses, qu’elles soient naturelles ou artistiques, ont rarement pour vocation de préserver ou développer celles-ci. C’est comme ça dans tous les domaines et à toutes les époques. Vous connaissez la règle ? 80% des profits générés par 20% des produits ! De nos jours, je crois même que l’écart se creuse, tout se passe comme avant, dans l’ancien monde analogique. Valoriser le contenu artistique et sa qualité n’a jamais été une option pour l’industrie. Seul compte le chiffre, pas le prix de vente, la quantité d’unités vendues. C’est sans doute ce qui explique la hausse colossale de la production musicale en cette période de chute libre des ventes. On vend moins d’unités, on fait moins de marge alors on produit plus. Elle est là la réaction de l’industrie à la CRISE !
Mais revenons au débat : gratuit vs payant. Est-ce que les 57 millions de « vu » sur You Tube de la chanson « Someone like you » d’Adèle a empêché l’artiste de vendre des CD, des places de concerts ou autres produits dérivés ? Non. Quand ça marche, ça marche sur toutes les plateformes payantes ou non, à tous les étages des magasins et sur toutes les fréquences. Ca n’arrive pas à tous les artistes et pour tous leurs albums ! Loin d’ici, très loin de là. C’est un petit miracle le succès ! Mais on ne peut pas construire un modèle sur la base d’un miracle à moins d’être au paradis des croyants ! Restons sur terre ! Le problème à résoudre pour la plupart d’entre nous artistes est celui-ci : ce métier peut-il être viable sans passer par la case succès massif ? Selon l’industrie non. Elle tire un trait sur tout ce qui bouge en dehors des classements.
Il suffirait aux artistes d’inventer un ou des modèles économiques équilibrés qui leur soient favorables « en croisière », mais ce serait tout comme demander aux poissons de s’emparer de l’industrie de la pêche, une utopie !
——- MISE A JOUR DU 8 SEPTEMBRE 2013 ———-
enquête publiée le 05/09/2013 par David Medioni sur le site Arrêt sur imagesICI
Streaming : la nouvelle bataille de la musique
Des artistes se rebiffent contre les producteurs et les plateformes comme Deezer ou Spotify
Qui va croquer la pomme en or de l’industrie de la musique en streaming ? C’est l’une des questions à laquelle devra répondre la mission Phéline, du nom de Christian Phéline, magistrat référendaire à la Cour des comptes chargé par Aurélie Filippetti de réfléchir à la question des droits musicaux. Pourquoi cette nouvelle mission quelques mois après les conclusions de Pierre Lescure ? Pourquoi des artistes comme Thom Yorke ont-ils remis en cause les bienfaits de Spotify ? Au final qui gagnera la bataille de la répartition de la valeur dans l’univers de la musique en streaming ?
(extraits)
Ainsi, les plateformes de streaming s’étonnent du fait que les producteurs demandent une trop grosse part du gâteau. Ces derniers adressent le même reproche aux plateformes, tandis que les artistes, à l’image de Thom Yorke ou encore de la chanteuse Diane Tell sur Twitter répètent être les parents pauvres du système. A titre d’exemple, selon différents spécialistes, mais aussi selon cet article de Libération, une plateforme comme Spotify reverse à l’artiste entre 0,0012 et 0,015 centimes d’euro par lecture d’un titre supérieure à trente secondes.
(….)
une étude de l’Adami (Administration des droits des artistes et musiciens interpètes). L’étude en question soulignait que, pour un titre téléchargé sur iTunes au prix de 1,29 euros, « l’artiste-interprète n’en reçoit que 0,04 centime d’euro. Ce qui fait un rapport de 1 à 19 entre artiste et producteur. Selon cette étude, c’est encore pire pour le streaming, la répartition passant alors à 95% pour le producteur et 5% pour l’artiste
Commentaires « Dianaros » le 8 sept 2013 – en réaction à cet article
1- Bonjour ! oui je suis toujours abonnée ! enfin réabonnée !!! c’est vrai que j’ai peu participé dernièrement !!!! Sorry ! Je vais bientôt refaire un billet sur la distribution et y causer de streaming … j’avais déjà écrit sur le sujet… (mon billet est peut-être obsolète maintenant, tout va si vite !!! ) [www.dianetell.com] (voir la rubrique Si j’étais journaliste sur mon site) Je dois me relire et surtout lire et écouter tout ce qui vient d’être publié sur ASI ! Et commenter. Je partage avec vous cette info : je viens de regarder les décomptes de ma petite maison de production, le streaming a généré chez nous 1800 € de revenus en 2012. Ces sommes représentent les parts producteur et artiste combinées – Pour 96 822 chansons écoutées en streaming. (pour rappel, le producteur finance toute la production phonographique). Je n’ai pas encore le chiffre pour 2013 car l’année est en cours mais je peux vous dire que celui-ci est en légère progression puisque nous avons à cette date dépassé le cap des 100 000 chansons « streamées » (oh qu’il est laid cet anglo-terme – n’ai pas mieux). Les revenus pour les parts Artiste/Producteur sont de 1071€ pour les 6 premiers mois de l’année 2013. Donc, nous pouvons envisager une légère progression des revenus cette année. Voilà la réalité !
2- PSSSSS : comme beaucoup, nous sommes (je suis) à la fois producteur et artiste, ce qui fait que le problème du partage entre artiste et producteur ne se pose pas dans les termes définis dans l’article. Aujourd’hui, les maisons de disques produisent peu. Elles signent des licences qui leurs donnent le droit d’exploiter ce que d’autres produisent. Au mieux et pour quelques artistes seulement de nos jours, ils accordent des avances mais cela devient assez rare. Cela dit, si nous assumons deux rôles, il existe tout de même un partage des tâches au sein d’une petite structure bi-polaire comme la nôtre : « producers pay – artists play » ! Une fois la production remboursée par les revenus (pas gagnés d’avance), le partage se fait 50/50 entre le producteur investisseur et l’artiste, à moins que nous ne décidions de réinvestir les revenus dans la production de nouveaux projets. Ce que nous faisons tout le temps. Les chiffres 1/19 – 5/95% entre Artiste/Producteur, ça n’existe pas chez nous. (Idem pour l’album que je viens de produire pour un autre artiste) Avant d’être totalement indépendante, c.a.d. de ne signer que des contrats de distribution, j’étais en licence dans des majors et donc productrice et ce depuis…. 1983 ! Les contrats auxquels l’article fait référence sont des contrats dit d’artistes où l’artiste n’investit pas de sous, ni dans la prod, ni dans la promo puisqu’il n’est pas producteur. Je peux vous dire que ce type de contrat est de plus en plus rare dans la réalité de notre profession (hors The Voice, Star Ac, Nouvelle Star & co, cas à part) et ce pour 2 raisons : 1- les artistes à fort pontentiel commercial signent presque tous des contrats de licence car ils souhaitent rester propriétaires de leurs matériel à long terme, ils sont donc producteurs – 2 – les artistes à faible potentiel commercial… bah, personne ne les signe ! ils doivent produire eux-même leurs albums et sont par le fait même eux aussi producteurs. Ce qui me désole dans toutes ces missions c’est qu’elles sont souvent déconnectées de la réalité, obsolètes, en mode réaction et non visionnaires. Utiles certainement d’un point de vue théorique mais dans la pratique, niet ! J’encourage toutes les initiatives qui aspirent à un bon équilibre entre les créateurs, les investisseurs, les consommateurs etc… mais ne peux que constater la limite de l’exercice. Chaque camp défend son bout de gras et sa part de marché tel qu’il existait avant, et pendant qu’on en discutait, le monde a changé et les conclusions des missions arrivent souvent avec un train de retard. Pour ce qui est de la mise en application des recommandations préconisées par ces rapports… je ne vous dis pas….