Publié le 6 juin 2010
Vian Tell: la chanteuse réalise un projet qui réunit ses deux passions
Valérie Lesage
Le Soleil
(Québec) Imaginez une interprète qui découvre les joyaux inédits d’un grand auteur de chansons et qui devient la première à les faire vivre de sa voix… C’est ce qui est arrivé à Diane Tell en découvrant les mots de Boris Vian.
«Quelle surprise de découvrir des chansons de Vian jamais enregistrées! C’est comme mettre la main sur un coffre de sonates de Mozart!» s’exclame la chanteuse contactée à Paris pour parler de son nouvel album Docteur Boris & Mister Vian (en magasin mardi).
Au début des années 90, alors qu’elle cherchait un orgue de Barbarie, Diane Tell avait rencontré le frère de Boris Vian, un spécialiste des instruments anciens. C’est lui qui a parlé à la chanteuse de textes inédits de son célèbre frère. Intriguée, Diane Tell les a trouvés en librairie. Il y avait parmi ces textes une adaptation de My One and Only Love qu’elle a tout de suite apprise et introduite dans son répertoire – elle la chante en spectacle depuis 1996.
Pour faire suite à Popeline, lancé en 2005, Diane Tell voulait absolument des chansons jazz. Une proposition de Tell la productrice à Diane la chanteuse. Car le jazz a toujours fait partie de sa vie, elle l’a étudié d’abord, et elle a aussi écrit Si j’étais un homme sur des harmonies jazz et Gilberto dans l’esprit du style. Ensuite, la vie a voulu qu’elle fasse de la pop, tout en continuant d’être séduite par Chet Baker et Billie Holiday.
«Enfin, je voulais un album jazz et je le voulais en français. Or, j’en ai trouvé [chansons] très peu dans le répertoire avant de retourner à Boris Vian. Il avait noté sur quels standards de jazz américains il avait composé ses textes et sauf une ou deux, elles n’avaient jamais été enregistrées sur disque. Le projet était conçu!»
Pendant deux ans, Diane Tell a fait des recherches pour trouver les partitions qui collaient aux textes de Vian. Elle a trouvé 200 versions des 15 chansons qu’elle avait choisies!
«Il fallait trouver la mélodie la plus près de la version originale. J’ai rencontré à Paris un spécialiste de partitions jazz – il en a plus de 25 000, et même les Américains le contactent pour trouver les versions originales.»
Ensuite, Diane Tell a mis beaucoup de temps et de soin à les apprendre et à les interpréter, voix et guitare.
«Les textes sont vraiment beaux, c’était un coup de foudre! Ils sont poétiques, simples et sonnent bien. Il n’y a pas de décalage, ça swigne; même si on dit souvent que le français ne swigne pas.»
Petits bijoux de chansons
Diane Tell s’étonne encore que personne n’ait jamais enregistré ces petits bijoux de chansons, d’autant que Vian a été interprété par des grands comme Henri Salvador ou Catherine Sauvage. Mais peut-être, remarque-t-elle, que la montée du yéyé dans les années 60, juste après la mort de Vian à 39 ans, a découragé quiconque de s’investir dans un répertoire jazz.
«En tout cas, moi, j’ai présenté le projet à tellement de maisons que j’ai eu vraiment peur de me faire voler l’idée! Quelqu’un d’autre aurait pu le faire, ce disque, hein…»
Diane Tell dit que ce projet lui a permis de réunir ses deux passions : la littérature et les grandes mélodies.
«Les standards américains étaient toujours en anglais, j’étais toujours un peu frustrée si j’en reprenais un. Je me faisais plaisir pour la musique, parce que c’est très composé, avec de riches harmonies, mais pas pour les textes (1)… Or mon rêve, depuis toujours, est de chanter en français avec les musiques les plus jolies qui existent.»
Le français comme langue d’expression, Diane Tell considère aujourd’hui que c’est un choix engagé, car, dit-elle, «la tendance ici [en France] est à l’anglais».
À 17 ans, la chanteuse, qui a la double culture par sa mère américaine, chantait en anglais et en français et on lui a demandé de choisir. Un choix qu’elle réaffirme aujourd’hui.
Diane Tell offrira un spectacle avec les chansons de Vian aux FrancoFolies de Montréal le 13 juin à la Place des Arts. Elle participera également au spectacle d’ouverture du Festival d’été de Québec sur les Plaines le 8 juillet.
(1) … je n’ai pas voulu dire que les textes originaux en anglais n’étaient pas jolis… certains sont magnifiques !
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