Publié le 23 mai 2009
De la cassette audio à Hadopi, trente ans d’anti-piratage
On y trouve quatre films d’archive de l’excellente INA sur le piratage depuis 1980 ! C’est hilarant ! Avec le recul.
Je n’imagine pas ce qui restera, dans 10 ou 20 ans, du débat actuel sur la loi Hadopi. Quelques extraits de JT peut-être ? Hâte d’y être !
Tout le monde parle d’Hadopi alors parlons d’autre chose. Par quoi peut-on remplacer une loi inapplicable, inefficace ou tout simplement inadaptée ? Par une taxe pardi évidemment. Prenez l’exemple de la prohibition aux Etats Unis interdisant la vente et la consommation d’alcool. Interdire de boire ne fait pas pour autant disparaitre la soif ! Suite à la prohibition, le marché blanc comme neige fond au soleil du marché noir. On délocalise les distilleries au Canada et la vie reprend son cours ! A la bonne votre ! Mais que fait la police ? Elle boit un coup, regarde ailleurs et prend un petit backchish au passage. Que font les politiques des années plus tard ? Ils autorisent à nouveau la vente d’alcool, reprennent la main sur ce marché liquide des plus lucratif et imposent une taxe gourmande à tous ces assoiffés. « You want to play you pay ». Idem pour la cigarette taxée à plus de 70% pour dissuader le consommateur peut-être ?
Mais revenons à nos pirates de l’air du temps perdu. En 1984, le beau et jeune Jack Lang, alors ministre de la Culture, promet déjà « une action déterminée et impitoyable contre les pirates ». (Voir le petit film sur le site Rue89 par le lien indiqué plus haut) Un an plus tard, le gouvernement fait voter la loi dite Lang sur la copie privée. Pour faire très court (vous trouverez tous les détails sur le net) cette loi impose, entre autre, une taxe sur les supports vierges. L’argent perçu est ensuite redistribué aux ayants droits habituels : auteurs, compositeurs et éditeurs mais aussi aux producteurs et interprètes ce qui est tout nouveau à l’époque. Depuis, beaucoup de pays ont adopté la même politique. Bref. Je suis prête à parier que la loi Hadopi une fois passée et dépassée sera remplacée par une taxe. Une bonne taxe vaut tous les mauvais textes. Une de ces taxes que l’on paie sans trop s’en rendre compte. Comme lorsque l’on se fait une toile. L’industrie du cinéma pleure de concert avec l’industrie du disque, mais le cinéma français n’est-t-il pas en partie financé par la TSA, la taxe spéciale additionnelle, qui représente 10,72% du prix d’une place de cinéma ? Combien de films vont être produits grâce à la contribution généreuse des 26 millions de spectateurs du film Les Chtis ! Nous, spectateurs, sommes co-producteurs de tout le cinéma français, même si nous n’allons voir que les blockbusteurs américains ! Vous rendez-vous compte ?
Internet tape sur les nerfs fragiles du pouvoir pur et dur, qu’il soit financier ou politique, parce qu’on ne peut exercer de pouvoir sans contrôle. Si la confiance n’exclut pas le contrôle, le pouvoir non plus. Internet fait “open bar” dans un monde virtuel alors forcément, les patrons des bistrots du monde réel d’en face voient tout rouge.
Au début du siècle dernier, les “patrons de bistrot” du marché sont éditeurs de musique transcrite sur papier. A mi-siècle, les producteurs de musique enregistrée inventent l’industrie du disque et dominent à leur tour le marché de la musique. 60 ans plus tard, nous entrons dans l’ère du streeming, du bundle et du download de contenu… à la demande, à la carte, accessible à tous et à tout va. L’Age de l’accès comme l’écrit Jérémy Rifkin. « On line » c’est encore l’anarchie malgré quelques “I lots” de sauvetage. « Off line » la chute libre du chiffre va de décrochage en décrochage. Les magasins de disques du monde entier ferment leurs portes les uns après les autres. Qui prendra la place toujours bien chaude du pouvoir des maisons de disques dans l’organisation mondiale de la musique enregistrée ? Les artistes ? Il serait temps. Pour certains c’est fait mais le fait est rare. Le public ? La balle est toujours jetée dans son camp mais il ne la renvoie pas à tous les coups. Les médias ? Les fournisseurs d’accès ? Les producteurs de spectacles vivants ? Who knows. Le CD c’est certain deviendra d’ici peu au mieux un produit d’appel au pire un produit dérivé, au même titre qu’un t-shirt, un poster, un autocollant ou autre babiole à l’effigie de l’artiste. Produit dérivé d’accord mais dérivé de quoi ? Du contenu, vendu comme un parfum sans flacon. Le troisième millénaire signe la mort du contenant, de l’emballage, du paquet cadeau. Il semble que sans son emballage, le contenu musical ait perdu toute sa valeur économique. Comme quoi. L’habit finalement fait le moine.
D.T.